Vous employez le terme de mafia. Quels secteurs touche-t-elle dans notre pays ?
On a encore du mal à prononcer ce mot en France, mais c’est une réalité. Lorsque le crime organisé s’assure de l’inertie, voire de la complicité des responsables publics, c’est le mot mafia qu’il faut prononcer pour le nommer et le combattre.
La mafia développe son activité dans toute l’Union européenne. Un de ses domaines de prédilection est le BTP. Des acteurs de ce secteur m’ont dit que 70 % des marchés publics sont pipés et que, dans beaucoup de mairies, les entrepreneurs n’ont même pas besoin de demander au maire combien il veut, car tout le monde le sait. Ce qui rend compliqué à établir la preuve d’un « pacte de corruption », c’est-à-dire que l’argent versé est la contrepartie du service rendu.
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En décentralisant les pouvoirs de l’État, on a aussi décentralisé les risques de corruption. À bas bruit. Pour donner un ordre d’idée, on dit que pour un rond-point, une entreprise de BTP doit verser 10 000 euros de pot-de-vin. Si on multiplie par le nombre de ronds-points, on arrive rapidement à des sommes astronomiques… Sur beaucoup de dossiers de marchés publics sur lesquels Anticor travaille, le dérapage financier provoqué par le manque d’exemplarité se chiffre entre 27 et 32 millions d’euros. On arrive très rapidement à des sommes qui sont extrêmement importantes et qui rendent tout à fait réaliste l’estimation de 120 milliards par an de la corruption.